Julie Otsuka
Née en 1962 en Californie, où elle a passé toute son enfance, Julie Otsuka, petite-fille d'immigrés japonais, a étudié les beaux-arts à l'Université de Yale et entamé une carrière de peintre. La trentaine venue, elle a décidé de se consacrer pleinement à l'écriture et publié en 2002 son premier roman Quand l'empereur était un dieu, paru deux ans plus tard en France. Son deuxième roman certaines n'avaient jamais vu la mer, a été considéré comme un chef-d'oeuvre dès sa sortie aux USA.
Le roman:
Roman bien particulier que ce récit de l'expérience qu'ont vécue de jeunes japonaises au début du XXème siècle, parties du Japon en bateau pour rejoindre leurs futurs maris, japonais installés aux Etats Unis.
Les lettres et les photos reçues montrent des hommes jeunes, beaux et riches. Mais la réalité sera toute autre et ce sont la déception, la misère et le racisme qu'elles trouveront. Le cauchemar atteindra son maximum après l'attaque de Pearl Harbor. Violence, intimidation et enfin déportation pour les japonais ou d'ascendance japonaise.
En moins de cent cinquante pages, on passe du rêve à l'arrivée; de la nuit de noces, souvent brutales, à la naissance des enfants; des jours de misères à trimer dans les champs à un semblant d'intégration. Paysannes ou jeunes citadines, elles connaîtront toutes les mêmes brimades.
L'écriture est surprenante. En effet Julie Otsuka a choisi non pas un narrateur mais une multitude de voix qui s'expriment en un "nous" étonnant.
Le magazine Lire évoque un "choeur antique". Pour ma part j'ai entendu les voix des fantômes de ces femmes qui égrènent leurs souffrances, leurs espoirs déçus aussi. Parfois, comme un chant qui passe au-dessus de la mélopée, une voix plus forte se fait entendre au coeur de la litanie. Le "nous" devient alors "je" l'espace d'une phrase en italique
Extrait 1: BIENVENUE, MESDEMOISELLES JAPONAISES !
Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas très grandes. Certaines d'entre nous n'avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n'avaient que quatorze ans et c'étaient encore des petites filles.
Extrait 2: NAISSANCES
Nous avons accouché sous un chêne, l'été, par quarante-cinq degrés. Nous avons accouché près d'un poêle à bois dans la pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l'année. [...] Nous avons accouché à Rialto, à la lumière d'une lampe à pétrole, sur une vieille couverture de soie que nous avions apportée du Japon dans notre malle. Elle a encore l'odeur de ma mère.
Ce que j'en pense:
J'avais lu dans Lire un bel article et un long extrait (les deux premières pages) de ce roman qui m'avait intriguée. La lecture devient quasi lancinante du fait de nombreuses répétitions anaphoriques et ces voix multiples m'ont comme fascinée.
J'ai lu d'une traite ce petit roman singulier que je recommande chaleureusement aux lecteurs qui aiment découvrir d'autres façons de raconter.
Et s'il fallait donner une note?
15/20
Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie OTSUKA,Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Carine Chichereau - août 2012 - 143 pages - Phébus, Littérature étrangère - 15 euros.
3 commentaires:
et bien voilà .... ça y est : j'ai envie de le lire : pffff c'est malin ça didon !!!
Mais ... merci (et je te dirai ce que j'en ai pensé)
Des bises
C'est un peu le but! J'attends ton avis.
Si j'avais le temps, je serais tentée, mais ma pile de "à lire" c'est un peu la tour de Pise...
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